Source : https://www.mieuxvivre-votreargent.fr/impots/droits-de-transmission/2023/02/28/donner-a-ses-enfants-attention-aux-pieges/

Les présents d’usage permettent lors d’occasions particulières (anniversaire, diplôme, mariage, Noël…) de gratifier vos enfants. S’ils sont proportionnés à votre patrimoine, ils ne seront pas considérés comme des donations. Mais si vous souhaitez faire un don plus important, il faudra le déclarer. Voici ce qu’il faut savoir.

Des formalités minimales pour les donations simples…

Pour donner de l’immobilier, il faut passer devant un notaire ; pas pour les biens mobiliers (argent, meuble, actions). Dans cette hypothèse, s’en passer permet d’éviter des frais notariés, d’autant qu’il est possible de déclarer le don à l’administration fiscale de façon très simple après qu’il a été effectué (de la main à la main, ou par virement ou chèque). Pour cela, il suffit de remplir le formulaire Cerfa n°11278*17 « Déclaration de dons manuels et de sommes d’argent », téléchargeable sur Internet, et de le déposer sans tarder (ou l’envoyer en recommandé avec avis de réception). Il faut préciser le don, appliquer les abattements éventuels et joindre le règlement s’il y a lieu de payer des droits de donation. Cette démarche, faite en principe par le donataire, est possible en ligne sur le site des impôts, dans l’espace particulier à la rubrique « Déclarer » (sauf si vous avez précédemment déjà effectué une donation à son profit). Attention, le centre auprès de qui il faut la déposer n’est pas celui dont l’adresse figure sur l’avis d’imposition. Il s’agit du SDE (Service départemental de l’enregistrement) compétent géographiquement en fonction du lieu de résidence du donataire (c’est-à-dire de celui qui reçoit la donation).

Il faut déclarer dans le mois qui suit, à défaut les éventuels dons de sommes d’argent faits avant 80 ans pourraient être privés des abattements fiscaux applicables. En outre, cette déclaration fait courir le délai de quinze ans qui, une fois expiré, permet de nouveaux abattements.

… mais de potentielles injustices, sources de conflit

Cette donation est une avance faite à votre enfant sur sa part future d’héritage. A votre décès, elle sera fictivement réintégrée dans l’actif de la succession, avant que ce dernier soit divisé entre vos héritiers (s’ils sont plusieurs). Votre enfant percevra sa part, diminuée de ce qu’il a déjà reçu par donation. L’évaluation se fait en tenant compte de la valeur du don au jour de votre décès, d’où des conséquences qui peuvent être désastreuses entre vos héritiers et nuire à la paix familiale (article 843 du Code civil). Exemple : vous donnez à votre fils et à votre fille 100 000 euros via le formulaire précité. Votre fille les place sur un contrat d’assurance vie, votre fils achète un studio. Lors de votre décès, le studio vaut 175 000 euros et le contrat d’assurance 130 000 euros. Si votre patrimoine vaut 1,5 million, il faudra y ajouter ces deux sommes (1 805 000 millions), diviser le tout en deux en supposant que ce sont vos seuls héritiers (902 500 euros). Votre fils recevra 727 500 euros (902 500 – 175 000), votre fille 772 500 euros (902 500 – 130 000), soit 45 000 euros de plus que son frère. Cet écart est généralement contraire à ce que souhaitait le donateur, mais il ignorait cette faille. Elle est donc dangereuse pour l’avenir si vous avez plusieurs enfants.

La donation simple « hors part », une solution à envisager

Il y a un remède à cette faille : vous pouvez faire une donation simple « hors part successorale » (article 843 du Code civil). Cette donation n’est pas rapportable à la succession. Si vous donnez de l’immobilier, vous devrez passer par un notaire. Mieux vaut donc la réserver aux dons manuels (argent, tableau, bijoux, portefeuille). Il suffit de déposer le formulaire Cerfa n°11278*17 et de rédiger sur papier libre de votre main la formule suivante : « Je soussigné(e)….. déclare que les dons faits le… à … pour un montant de … au profit de…(détaillez) sont réalisés hors part successorale et ne sont pas rapportables à ma succession ». N’oubliez pas de dater et de signer et, par précaution, remettez-en un à chacun des enfants gratifiés (vous pouvez le faire après coup pour régulariser des dons manuels effectués antérieurement). Le cas échéant, joignez cet écrit à votre déclaration de don si elle est concomitante. Au moment de votre succession, le notaire sera ainsi informé qu’il n’y a pas lieu de le comptabiliser (que vos enfants soient égaux ou non).

Sachez que ces dons s’imputent alors sur la quotité disponible de votre patrimoine. Cette part dont vous disposez librement représente la moitié de votre patrimoine si vous avez un enfant, le tiers si vous en avez deux et le quart à partir de trois (article 913 du Code civil). Les dons « hors part successorale » ne doivent donc pas dépasser sa valeur (article 844 du Code civil), sinon ils pourront être réduits à la demande des héritiers réservataires lésés (ce qui n’arrivera pas si vous les gratifiez également).

La donation-partage évite le rapport

Cette donation fait office de partage et doit être faite devant notaire (articles 1076 et suivants du Code civil). Elle peut concerner tous types de biens. C’est comme si vous preniez une partie de votre patrimoine et en régliez la succession à l’avance et de façon définitive. L’évaluation est faite d’après la valeur des biens au jour de la donation-partage. Lors de votre décès, les biens donnés ne sont pas comptabilisés dans votre succession. Elle est possible pour gratifier au moins deux de vos héritiers présomptifs, c’est-à-dire ceux qui sont désignés par la loi pour vous succéder. Vous n’avez pas l’obligation d’inclure tous vos enfants dans cette donation, mais cela est préférable, tout comme il est recommandé de faire des lots de valeur égale entre eux pour préserver l’équilibre. Sinon, mieux vaut prévoir que l’un des donataires versera une soulte aux autres.

Cette donation a deux avantages majeurs : elle évite la règle du rapport (et donc les conflits ultérieurs entre vos héritiers) et comporte généralement une clause qui interdit toute action la concernant. Son inconvénient : vous devez nécessairement faire appel à un notaire. Cette démarche a donc un coût (en fonction de la valeur de la donation). Pensez à demander une évaluation avant de vous lancer, car si la donation ne concerne pas un bien immobilier, il sera peut-être plus judicieux de faire une donation simple « hors part successorale ».

Le démembrement permet de payer moins d’impôts

Autre piste qui est le plus souvent employée dans le cadre d’une donation immobilière : ne donner que la nue-propriété, dont la valeur taxable est inférieure à la valeur réelle du bien, et garder l’usufruit (droit d’usage et de perception des revenus locatifs). Cela permet de faire baisser la note des droits de donation et, au moment de votre décès, les donataires deviendront pleinement propriétaires sans droits supplémentaires.

Plus vous donnez jeune, plus la valeur de la nue-propriété est faible (voir le barème sur Legifrance.gouv.fr à l’article 669 du Code général des impôts).

Attention, il vous faudra ensuite l’accord de vos enfants pour vendre. Soit vous répartirez le produit de la vente entre vous (selon la valeur de votre usufruit au moment de la vente), soit vous reporterez l’usufruit sur un nouveau bien que vous achetez si vos héritiers sont d’accord ou si vous l’avez prévu dans la donation.

Diane de Tugny